• Amédée

    Merci Bigornette pour ce prénom "presque" simple !

    Monsieur le Comte Amédée de Saint Frusquin est satisfait.

    Il est enfin débarrassé, non seulement de Madame la Comtesse de Saint Frusquin mais aussi de tous ses ennuyeux ancêtres qui lui pourrissaient la vie depuis un sacré moment !

    Il faut dire qu’être élevé dans un château en partie délabré par des parents qui vous rebattent les oreilles des exploits glorieux de tel colonel réduit en charpie par les zoulous, de tel amiral dévoré par les requins alors qu’ayant bêtement le mal de mer et rendant tripes et boyaux il venait de passer par-dessus le bord du bateau qu’il commandait, de telle belle Comtesse révolutionnaire qui en envoyant son cher mari à la guillotine glissa bêtement dans une flaque de sang et se retrouva (si je puis dire) en tête à tête avec lui dans une corbeille, de tel prélat qui dégusta fort stupidement le vin empoisonné qu’il venait de verser à un concurrent à la place de cardinal (il avait confondu sa droite et sa gauche), eh bien ça finit pas lasser !

    Sans compter bien sûr les moutons noirs de la famille dont la place dans la galerie de portraits n’était plus qu’une tache claire que lorgnaient d’un œil mauvais leurs voisins. N’a-t-on pas idée de s’enfuir pour épouser un artiste, de partir s’enfermer dans une léproserie, de créer une œuvre caritative qui manqua bien de dévorer la fortune familiale, qui fut d’ailleurs beaucoup plus vite gaspillée par un grand-père joueur et coureur.

    Et non contents de lui pourrir la vie avec ces histoires stupides, les défunts dont la mort fut un peu, comment dire « difficile » s’entêtaient à venir hanter la demeure familiale, pas moyen d’avoir une nuit tranquille. C’était à qui faisait tinter des chaînes, gémissait, laissait une tête rouler.

    Monsieur le Comte Amédée se retrouva du jour au lendemain héritier du château après avoir malencontreusement perdu père et mère emportés par une grippe de provenance indéterminée. En bon fils, il accrocha leurs portraits aussi souriants que les autres, c’est peu de le dire, dans la galerie familiale et se demanda quoi faire de sa vie.

    Il faut dire que n’ayant aucune envie de travailler, il venait de terminer vaille que vaille des études d’il ne savait trop quoi, études validées par un diplôme remis par un membre de la parentèle proche, ceci expliquant peut-être son succès !

    Une seule voie s’ouvrait à lui, le mariage ! Il fit donc une cour express à une jeune fille de bonne famille pas vraiment gâtée par la nature et dont les parents ne furent que trop heureux de se séparer avec quelques larmes de crocodiles et une dot douillette qui permit à Monsieur Amédée de remettre à peu près en état son château et de se la couler douce.

    Maintenant vous demandez-vous, comment Monsieur le Comte Amédée de Saint Frusquin a-t-il bien pu débarquer à Bigorbourg qui est, il faut le reconnaître peuplé de personnes (et d’animaux) de bonne compagnie.

    Et bien, après avoir rendu malheureuse comme les pierres la pauvre Comtesse qui finit par en mourir de chagrin mais seulement après s’être faite portraiturée, une manie familiale. Monsieur le Comte vécu une vie de désœuvrement parfaite, sans intérêt jusqu’au jour où ayant sacrifié à la tradition familiale il se fit faire son portrait. A peine celui-ci accroché dans la galerie, Monsieur le Comte rendit son âme à qui la voulait bien mais comme elle ne trouva pas preneur, elle se retrouva piégée dans son portrait avec sa femme en vis-à-vis qui maintenant qu’elle était morte se fit un plaisir de lui rendre la mort impossible en lui disant ses quatre vérités, tandis que le reste des ancêtres lui reprochait amèrement son manque d’ambition et surtout le fait d’avoir laissé la dynastie sans héritier.

    Bref, l’après-vie de Monsieur le Comte Amédée devint impossible jusqu’au jour où un lointain cousin désormais possesseur du château et de ses tableaux et trouvant le tout absolument hideux revendit l’ensemble.

    Le portrait de Monsieur Amédée atterrit chez Monsieur Balthazar, qui comme vous le savez est un connaisseur en choses bizarres. Il vit bien une certaine satisfaction se faire jour dans l’œil du portrait lorsque Monsieur le Comte s’aperçut qu’il était enfin loin du château familial et de son horrible galerie de portraits. A vrai dire, on vit même un sourire, le premier de toute sa vie et de sa mort, poindre sur les traits fermés de Monsieur Amédée.

    Passant un beau jour par le Bazar de Monsieur Balthazar, Pélagie notre accorte bonne du curé fut http://www.atelier-bonno.fr/peinture/galerie-huile/portrait-soldat-18e-1.jpglittéralement séduite par la trogne maintenant bon enfant de Monsieur le Comte et repartit avec lui. Pourvue de l’accord du curé Paterne elle l’accrocha dans le presbytère et depuis ce jour béni, Monsieur le Comte Amédée de Saint Frusquin descend régulièrement de son perchoir pour se promener, évanescent, dans les rues de Bigorbourg, Lui qui de son vivant n’avait jamais fait preuve de la moindre imagination, se découvrit une vocation : conteur (ce qui pour un comte est un comble), bref, il s’introduisait dans les rêves des enfants de Bigorbourg et leur racontait des histoires délirantes qui faisaient rire les petits. De nombreux parents se demandèrent quels rêves rendaient leurs enfants si heureux. Mais chut, cela reste secret. Et plus le temps passe, plus le portrait de Monsieur le Comte semble devenir jovial et heureux de « vivre » enfin !


  • Commentaires

    1
    Mercredi 24 Mars 2010 à 08:42
    amaryllis
    Pas beaucoup de temps en ce moment je passe juste te faire un bisous. Bonne jurnée
    2
    ABC
    Mercredi 24 Mars 2010 à 09:26
    ABC
    Quelle aventure Monsieur le Comte n'en espérait pas tant !
    Le voici heureux au presbytère après une vie de galère !
    3
    Mercredi 24 Mars 2010 à 11:29
    Martine27
    Reviens quand tu veux
    4
    Mercredi 24 Mars 2010 à 11:29
    Martine27
    Mais pas un trop joli monsieur à la base !
    5
    Mercredi 24 Mars 2010 à 11:30
    Martine27
    Il faut dire qu'il n'a pas été très amusant lorsqu'il était en vie, la mort manifestement lui réussi mieux
    6
    Mercredi 24 Mars 2010 à 13:13
    Santounette
    Voilà encore un bel exercice avec beaucoup d'imagination, j'ai bien aimé cette façon humoristique de nous parler de la vie de château.
    Finalement Amédée a fini par trouver une façon de se racheter.
    Bon mercredi
    Bises
    7
    Mercredi 24 Mars 2010 à 16:30
    Martine27
    Je trouve qu'Amédée fait très "sang bleu"
    8
    Mercredi 24 Mars 2010 à 16:37
    Martine27
    Tout le monde a droit à une deuxième chance, il faut reconnaître qu'il n'était pas bien sympathique dans sa première vie
    9
    Mercredi 24 Mars 2010 à 17:36
    lyly
    Bonsoir Martine

    Eh bien quelle histoire !

    La fin est vraiment bien trouvée, bravo !

    Bises et bonne soirée, Lyly
    10
    Mercredi 24 Mars 2010 à 19:06
    Martine27
    Attention aux portraits que l'on accroche chez soi, on ne sait jamais !
    11
    Mercredi 24 Mars 2010 à 19:07
    Martine27
    Oh je crois que maintenant il est suffisamment sympathique pour qu'on veuille bien le garder
    12
    Mercredi 24 Mars 2010 à 19:08
    Martine27
    Merci ! Amédée s'est montré très coopératif ! Que nous réserves-tu après Pernelle ?
    13
    Mercredi 24 Mars 2010 à 20:39
    amtealty bougnen
     monsieur le comte raconte peut être l'histoire d'amédée l'evieille aux petits enfants
     toujours aussi beau ton texte et toujours dans la suite de l'histoire
     vraiment bravo
     et bisous de la grandmère de bretagne
     avec en plus les salutations du  baron belge
     amédée qui squatte chez amtealty
    14
    Jeudi 25 Mars 2010 à 11:03
    Martine27
    Mes salutations à Monsieur le Baron ! Je ne sais pas quelles histoires il raconte, c'est top secret. Il va bientôt falloir pousser les murs de mon petit bourg
    15
    Jeudi 25 Mars 2010 à 23:00
    gene
    tu devrais venir au festival du conte à Limoux , tes histoires plairaient beaucoup aux petits et au grands comme moi . bisous
    16
    Vendredi 26 Mars 2010 à 09:39
    Martine27
    C'est vrai que ce serait chouette !
    17
    Vendredi 26 Mars 2010 à 23:07
    Bea kimcat

    Coucou Martine
    Pas mal cet Amédée de St Frusquin
    Bises du vendredi soir
    Béa kimcat

    18
    Vendredi 26 Mars 2010 à 23:19
    Pascale la Tricotine
    un bien joli Amédée qui s'embellit jour après jour au contact des enfants !!!  hihi martine tu m'émerveilles !!! à quoi ressemble tu , ne serais tu pas la soeur d'Amédée ??? martine de St Frusquin ça sonne bien !!! et tes histoires je les bois comme du petit lait , en attendant d'avoir le droit d'en boire en vrai.... Tricotine est devenue verte et  Amédée n'a pas envié !! hihi

    bizzoux dans ta contrée féérique
    19
    Samedi 27 Mars 2010 à 09:57
    PATSY
    C'est sûr, pour certains, la mort est plus belle que la vie ! Et puis le pauvre Amédée n'était pas responsable de sa funeste parentèle et de leur mauvaise éducation. Suis bien contente de son arrivée à Bigorbourg, il va y prendre un bon coup de jeune...
    Bisous
    20
    Samedi 27 Mars 2010 à 11:24
    Martine27
    Je trouvais qu'Amédée faisait très aristocratique
    21
    Samedi 27 Mars 2010 à 11:28
    Martine27
    Bigorbourg a des vertus uniques ! Je vais demander à l'état civil de me rebaptiser. Mon Amédée est aussi sorti de sa coquille d'une certaine façon
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    22
    Samedi 27 Mars 2010 à 11:33
    Martine27
    Faut reconnaître que je ne l'avais pas gâté le pauvre, il avait bien droit à une seconde chance
    23
    Bigornette
    Samedi 18 Janvier 2014 à 17:37
    Encore une belle histoire... et qui finit bien en plus... avec des enfants herueux la nuit,  je me suis laissée entrainer comme toujours avec grand plaisir dans ton style alerte....un régal... merci à toi Martine... gros bisous et bonne soirée... en espérant qu'OB marche mieux qu'hier... qu'elle galère !
    24
    Josette
    Samedi 18 Janvier 2014 à 17:37
    Josette
    Amédée ou comment s'en débarrasser...disait Ionesco !
    25
    jill bill
    Samedi 18 Janvier 2014 à 17:37
    jill bill
    Bonjour Martine, oui toi et moi avons eu un penchant pour un "conte" noble... Les grands esprits se rejoignent dit-on !!    Bel ouvrage que le tien, amitiés poétiques de jill de chez amtealty 
    26
    lizagrèce
    Samedi 18 Janvier 2014 à 17:37
    Bien joli le portrait de Monsieur le Comte Amédée de Saint Frusquain !
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